PANORAMA DES GUERRES
Un soir à minuit les télévisions
diffusent une
sorte de feu d’artifice verdâtre: le monde
après
quelques décennies de paix
relative se retrouve en guerre: me voilà devant la
télévision zappant de chaîne
en chaîne à la recherche d'une information
concrète
et objective. Mais les
discours se suivent et se ressemblent sur tous les écrans:
"logique de
guerre", "guerre du droit", "gendarmes
internationaux", "gentil dictateur caressant la tête de
l'otage",
"tubes lance-scud", "ruines et milliers de victimes", ...
de part et d'autre, tout n'est que bluff, intox, manipulation, la
propagande
tous azimuts... Des commentaires à n'en plus finir
d'hommes-tronc sur fond de
carte du Moyen Orient, des débats envahissants et
épuisants, des avis autorisés
de généraux en retraite... mais des images,
point. Seuls
surgissent sur les
écrans blafards quelques publi-reportages, bien
censurés
et bien encadrés par
les différents corps d'armée. Dix ans plus tard,
après le choc mondial des
images en boucle du World Trade Center, terriblement proches
d’un
film
catastrophe ou d’un jeu vidéo, c’est de
nouveau
l’horreur en direct; la folie
meurtrière continue avec des bombardements ininterrompus sur
l’Afghanistan et
ses talibans. Une guerre virtuelle, propre, invisible, des images
aseptisées de
cibles bien choisies, des frappes chirurgicales, le spectacle de la
mort en
direct… Ben Laden introuvable,
l’Axe du Mal pivote de l’Afghanistan à l’Irak, de nouveau en
première ligne sous couvert d’un
« faisceau de
preuves accablantes ».
Surabondance d’images cette fois avec un show militaire en
temps
réel: quelques visites guidées avec des
journalistes embedded, sans oublier les bandeaux
déroulants, parasites
insupportables sur l’écran, mais des images en
prise avec
la vérité et la
réalité,
aucunes. Supériorité
technologique des étasuniens, armes sophistiquées,
peut-être, mais l’horreur de la guerre est
là encore
et toujours avec les
dommages collatéraux, les bavures et les tortures, et les
victimes en tous
genres. Et de l’autre côté les
enlèvements,
les exécutions d’otages sur des
sites internet florissants et le terrorisme, l’arme du pauvre
face à la
technologie soldatesque, sous couvert de religion fanatisée. Guerre des images, information ou
manipulation,
voyeurisme et indignation sélective suivant le point de vue,
émotion
collective, l’image est une arme dans ce conflit…
A l'aide de la base de données périodique et permanente des médias, les
évènements s'installent
en moi. Je m'imagine en reportage, je me fabrique les
images qui
manquent,
je m’injecte mes propres images subliminales, je
récupère l'information
maltraitée par le monde politico-médiatique et le
canular
d'origine
se transforme en une impressionnante réalité.
Avec ces
fausses photographies
d’actualité perdues dans le flux continu des
images
télévisuelles, au milieu du
vacarme et du fracas des armes, du chaos tragique, ne surgissent plus
que les
faits emblématiques des guerres.
« L’horreur,
l’horreur » disait
Marlon Brando dans « Apocalypse
Now » ...