VENISE82-BUCAREST84
VENISE:
Voyage à Venise en 1982, 3 semaines à errer dans les rues, les canaux,
les sottoportegos, visites aux iles de la lagune, bains de mer au Lido
et festival du film à la Mostra, images à la sauvette, instantanés,
scènes de rues dans l'ambiance estivale ...
BUCAREST/ROUMANIE: Dès mon arrivée en 84, je parcours Bucarest en tout sens,
photos à la sauvette dans la foule, sans viser, sans cadrer, pour prendre l'air
du pays; les jours suivants, j'erre à travers la ville sans but précis
cherchant "l'instant décisif", les scènes pittoresques, les
attitudes, les paysages urbains, les vieilles voitures, les nuits dans des rues
aux éclairages parcimonieux, puis une escapade en Transylvanie en Dacia noire
avec guide et chauffeur sur les traces de Dracula, châteaux, musées, monastères,
et petits villages. Un grand moment de contrainte: la manifestation du premier
mai, les gens encadrés par la Securitate et parqués par entreprise, école ou
quartier, et la limousine noire de Céausescu passant au milieu d'eux; un grand
moment de liberté: la messe de Pâques tolérée par l'état où chacun brandissait
sa bougie allumée en signe de ralliement et de contestation. Mais partout des
regards soupçonneux et crispés devant l'appareil photo. Le photographe roumain qui m'accompagne
engage la
conversation avec les derniers habitants, plutôt
réservés et méfiants, ce qui
me permet d'intervenir plus discrètement.Un jour, par un matin gris, je visite un chantier
énorme en plein centre ville, un hôpital coupé en deux, une église déplacée sur
roulettes, des maisons détruites: le futur palais du "Génie des
Carpathes"; des enfants qui jouent dans les gravas, un déménagement sur le
trottoir, une petite vieille qui me poursuit avec inquiétude en demandant si je
suis de la police, quelques rares passants…
Une image anecdotique en apparence résume mon
impression de Bucarest: tristesse et dénuement. Pas d'arbre, pas de contraste,
l'espace clos par le mur et la palissade, l'enfant et le vélo qui n'est plus de
son âge, la femme sortie d'un vieux Fellini noir et blanc, tout concourt à un
sentiment de malaise, rendu plus fort encore par l'absence de ciel, le cadrage
serré, la légère plongée de la prise de vue, et le gris du temps. Mais cette
image figée respire la vie; le vent agite la robe, les regards se croisent,
pleins de l'émotion de ce bref échange.
Didier
De Nayer
Reportage pour le
prix Air
France/Ville de Paris en 1984 et journal de voyage
"Bucarest, sed rest"
35 photographies
30x40 noir et
blanc