GRECE GRAFFITEE
Mycène,
Messène, Epidaure, Sparte, Olympie, Delphes, Dodone, Kassopée,
Athènes, le Parthénon …. ces noms résonnent dans ma tête,
souvenirs diffus des années lycée, et images emblématiques
inconscientes de la démocratie.
Sur
place l'imaginaire prend forme dans les ruines et les musées,
troublés par les hordes de touristes débarqués de leurs bus à
air conditionné, ces lieux antiques naguère propices au
recueillement, au calme, perturbés par des troupeaux d'humains,
galopant comme des fourmis en rang serrés... Les vieilles pierres
relevées de bric et de broc, les fondations plus ou moins dégagées
se dressent dans la végétation, espaces maintenant vides de toute
âme, offerts aux prédateurs numériques, les bras tendus vers leur
cible, des murs sortant de la végétation, des colonnes en miettes,
redressées ou couchées, des temples vides, des amphithéâtres
désertés... les vases, statues, bas reliefs, figurines, bijoux
trouvés dans les sites sont aussi vides de signification à l'abri
dans leurs vitrines, hors de leur contexte. La magie de l'image
réunit alors statues exilées et lieux retrouvés et, dans cet
univers réinventé, tente de redonner vie aux ruines et de rendre
aux temples les ornements et aux maisons leurs objets usuels. A ces
architectures du passé se superposent alors quelques signes de vie,
de mouvement et les ruines se repeuplent de personnages vivants, de
silhouettes, de statues, de figurines... des créatures étranges s'animent et revivent leur splendeur passée...
Photographier:
écrire avec la lumière, en grec évidemment...
Didier
De Nayer
Série de 50 photographies 30x40 noir et blanc
UNE MER CHAUDE
Longtemps, avant que je ne découvre les sentiers "Lacarrière", je pensais
que la Grèce n'existait que dans les livres d'histoire et les gravures du XIX° siècle.
La Grèce, cette mère spirituelle de nos fantasmes démocratiques, images
emblématiques plus enracinées dans notre inconscient, plus vraies que la rude
réalité du roc et de l'eau. Jamais l'écart ne fut aussi grand qu'entre la
richesse, le foisonnement imaginaire développés sur ce socle et la sécheresse
des images mortes de ces monuments, de ces ruines de statues sur papier
glacé.
D'un côté était l'écrit, dense, riche, aux rues encombrées de bouleutes,
d'héliastes, d'étals, de cris, de senteurs; de l'autre, les images. Images de
chambre froide, sans vie, aux portes muettes, aux colonnes pétrifiées, à
l'entassement exsangue.
Dieu que cette Grèce de bachotage était triste et que n'explosa-t-on une
fois encore ce parthénon sans âme?
Didier De Nayer a du toucher ce froid de pierre, cette solitude muséale
des statues, errer dans ce no man's land comme une mémoire en dérive.
La Grèce que nous propose aujourd'hui Didier est une émeute de la
mémoire, il habille, meuble, peuple, invente, réhabilite ces solitudes
désertées, un peuple debout nous salue. La force de ses images est dans leur
implacable simplicité, simplicité du regard, simplicité de la démarche; elles
ont retrouvé leur place ces statues exilées un jour de funeste cérémonie.
Dans cet univers réinventé elles bougent, dansent, vibrent, occupent
l'espace, leur espace retrouvé et tout revit. L'investissement simulacre, le
mouvement simulé sont les plus forts, ils dominent, ils règnent sur ces
territoires. L'image est ici totale; imaginaire réalité, elle nous enveloppe,
elle nous investit, nous habite, nous transporte dans cette familiarité des
choses que nous affectionnons et nous accorde ainsi au long processus de la
création.
Nous entrons dans cette mer chaude de l'évidence; nous y sommes
bien.
Daniel Mezergues
seriesgraphie